Exposition du 15 Novembre 2019 au 16 Janvier 2020 à la galerie Art & Essai, université Rennes 2 proposée par le programme de recherche et d’expositions Art by Translation avec des nouvelles œuvres de Silvia Kolbowski, Julia E. Dyck, Maíra Dietrich, Falk Messerschmidt et Pedro Zylbersztajn. Performances de Julia E. Dyck, de Pedro Zylbersztajn et du collectif moilesautresarts. Réactivation du projet « i.e. » par des étudiant.e.s du Master arts plastiques de l’université Rennes 2, de l’ESAD TALM Angers et de l’ENSA Paris-Cergy. Équipe de recherche et curatoriale : Maud Jacquin, Sébastien Pluot, Yann Sérandour et Anne Zeitz.

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Toute production de texte ou d’objet, dès lors qu’elle se détache de son auteur, est destinée à se confronter à des contextes plus ou moins imprévisibles qui en transforment les significations. Loin d’être autonomes, les œuvres mutent ; elles disparaissent et réapparaissent, dépendent des soins qu’elles reçoivent et des systèmes de valeurs qu’elles rencontrent. Certains artistes conçoivent des projets en considérant leur évolution, leur réception et donc leur traduction dans d’autres contextes temporels. Cette exposition a été conçue à partir des enjeux et des effets soulevés par une œuvre évolutive de Silvia Kolbowski successivement intitulée Enlarged From the Catalogue: Michael Asher (1990) et Missing Asher (2017) à laquelle elle ajoute aujourd’hui un nouveau volet pour la galerie Art & Essai.

Cette œuvre cite une autre œuvre réalisée par Michael Asher en 1973 à la Galerie 167 de l’University of California at Irvine pour une exposition collective impliquant des professeur.e.s et des étudiant.e.s. L’artiste conceptuel américain, reconnu comme l’un des initiateurs de la « critique institutionnelle », avait cloué au mur une plaque de verre découpée au format moyen des œuvres accrochées dans l’exposition. Interrogeant les conventions d’exposition, la vitre supposément transparente reflétait le contexte du white cube et révélait la granulosité de la peinture blanche généralement considérée comme neutre. Enlarged From the Catalogue, que Silvia Kolbowski réalise en 1990, est une image photographique de la documentation de l’œuvre d’Asher dans le catalogue Michael Asher, Writings 1973-1983 on Works 1969-1979 agrandie au format de la vitre originale puis encadrée. En 2017, Kolbowski réalise un film qui retrace la trajectoire de son œuvre sur une période de 30 ans en examinant les conditions culturelles, politiques et économiques des contextes qu’elle a traversés. Elle interroge notamment les conventions de monstration des œuvres à différentes époques, l’évolution du statut d’auteur à travers une réflexion sur la notion d’individualisme aux États-Unis, l’attribution de valeur et la préservation des œuvres conceptuelles, ainsi que la manière dont l’archive peut être générative de nouvelles formes.
Cette exposition a été élaborée collectivement au cours d’un séminaire de recherche mené par Art by Translation, des chercheur.se.s de l’équipe PTAC de Rennes 2 et des invités tels que l’historien de l’art Sven Lütticken. Ce fut l’occasion d’examiner un certain nombre d’enjeux liés à la notion de trajectoire générés par l’œuvre de Kolbowski : la dissémination des œuvres à travers les publications et le discours critique ; les pratiques qui citent ou font référence aux projets d’autres artistes ; la transformation entropique des œuvres ; l’influence des modes de préservation et de restauration sur la trajectoire des œuvres ; les traductions inhérentes aux processus d’historisation.

En réponse à ces questions, les quatre artistes participant au programme Art by Translation ont conçu de nouvelles œuvres présentées dans cette exposition. 

Julia E. Dyck (Canada) transpose les principes d’une partition de John Cage aux archives d’une radio indépendante féministe à Montréal. Des entretiens avec des artistes invitées dans le cadre d’émissions de radio sont retranscrits littéralement, incluant les silences, les soupirs, les hésitations de la voix (etc.) pour devenir de nouvelles partitions ouvertes à l’interprétation performative. Par cette opération, Julia E. Dyck interroge les mécanismes de légitimation des œuvres qui conduisent à l’invisibilisation de pratiques non-conventionnelles, en particulier celles des artistes femmes ou encore celles de collectifs. Par ailleurs, elle engage à prendre la mesure des suppléments et pertes consécutives à la transposition du langage oral à l’écrit. 

Dans une installation vidéo, Maíra Dietrich (Brésil) performe les mots et les attitudes d’artistes, écrivain.e.s et personnalités publiques qui l’ont influencée, parmi lesquelles la cinéaste Chantal Akerman, l’écrivaine Chris Kraus ou l’activiste brésilien Ailton Krenak. En rejouant les paroles d’autrui, elle considère la citation comme un geste incarné constituant à la fois une appropriation et un hommage. C’est aussi pour elle une manière de réaffirmer l’importance de ces paroles dans notre présent.

Un film de Falk Messerschmidt (Allemagne) met en scène des documents photographiques liés à l’histoire coloniale de l’Allemagne tirés des archives du Leibniz Institut für Länderkunde (Institut Leibniz pour la géographie régionale). Il s’intéresse au regard que nous portons sur ces images aujourd’hui et à la manière dont elles ont voyagé à travers les différentes époques et les différentes transformations des techniques de reproduction. La manipulation physique des archives lui permet d’interroger sa propre position vis-à-vis de ces images. 

A travers une installation récréant une salle d’attente où les visiteurs sont invités à s’asseoir et à interagir avec des textes et des images mettant en jeu différents processus de lecture, d’interprétation et de traduction, Pedro Zylbersztajn (Brésil) propose de faire l’expérience de l’attente comme un moment de suspension où toutes les trajectoires sont encore possibles. Au cours d’une performance utilisant l’application Whatsapp, plusieurs participant.e.s interprètent en sifflant la même mélodie dans différents endroits du campus. A chaque instant s’accumulent des variations sur le même thème, créant ainsi des effets de désaccord et d’inadéquation interrogeant la possibilité même de la simultanéité. 

Les étudiant.e.s du master arts plastiques de l’université Rennes 2, de l’ESAD TALM, de l’ENSA Paris-Cergy, ainsi que le collectif moilesautresarts proposent une extension du projet « i.e. » initié en 2017 avec l’artiste Mark Geffriaud.  Ils.elles conçoivent des œuvres prenant place dans deux boîtes mobiles mais destinées à en sortir afin d’être disséminées en dehors de l’espace de la galerie et de rencontrer des contextes qui vont les traduire. 

Les œuvres présentées dans cette exposition organisent des trajectoires incertaines et complexes évoquant les dessins exécutés par le héros éponyme du roman de Laurence Sterne La Vie et les Opinions de Tristram Shandy  pour représenter les lignes narratives sinueuses qui traversent son récit. Tirée du roman du 18e siècle, l’expression « l’intolérable ligne droite » est une manière de signifier combien les nombreuses traductions auxquelles les œuvres sont soumises les font immanquablement dévier d’une trajectoire linéaire.

Art by Translation est un programme de recherche et d’expositions. Cette plateforme internationale qui a débuté en 2015 produit des œuvres, expositions, colloques, séminaires, workshops et publications sur un thème spécifique. Le thème de la première session porte sur les questions de traduction dans les arts. Constituée comme une unité de recherche de troisième cycle pour les pratiques artistiques, Art by Translation sélectionne chaque année quatre artistes cherchant à approfondir leurs connaissances et expériences à travers la création de nouveaux projets et auprès de chercheur.euse.s et artistes invité.e.s. Cette communauté grandissante d’artistes, de chercheur.euse.s et d’étudiant.e.s représente aujourd’hui plus d’une centaine de personnes. Art by Translation est dirigé par Maud Jacquin et Sébastien Pluot. La structure est portée par l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy et l’École Supérieure d’Art et de Design TALM Angers. Elle est soutenue par le ministère de la Culture et collabore avec de nombreuses institutions universitaires et artistiques en France et à l’étranger.

 

Informations pratiques

L’intolérable ligne droite
15 Novembre 2019 – 16 Janvier 2020
galerie Art & Essai, université Rennes 2

Exposition proposée par le programme de recherche et d’expositions Art by Translation avec des nouvelles œuvres de Silvia Kolbowski, Julia E. Dyck, Maíra Dietrich, Falk Messerschmidt et Pedro Zylbersztajn. Performances de Julia E. Dyck, de Pedro Zylbersztajn et du collectif moilesautresarts.

Réactivation du projet « i.e. » par des étudiant.e.s du Master arts plastiques de l’université Rennes 2, de l’ESAD TALM Angers et de l’ENSA Paris-Cergy.

  • Vernissage le jeudi 14 novembre de 18h à 21h, précédé d’une conférence des artistes de l’exposition à 16h, amphithéâtre B019.
  • Lundi 18 et mardi 19 novembre : performances et discussions à la galerie Art & Essai et sur le campus de l’université (10h-12h/13h-18h) et projections d’une sélection de films de Silvia Kolbowski à 18h15, amphithéâtre E2.

Équipe de recherche et curatoriale : Maud Jacquin, Sébastien Pluot, Yann Sérandour et Anne Zeitz.

Avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication, de l’ESAD TALM Angers, de l’ENSA Paris-Cergy, et de l’équipe Pratiques et théories de l’art contemporain PTAC EA 7472