Contributions de Bruno Elisabeth et de Sandrine Ferret à l’ouvrage collectif « Le feu à l’œuvre dans la création contemporaine », ouvrage récemment paru sous la direction de Laurence Tuot.

Résumé de la contribution de Bruno Elisabeth : Le film en flammes : relations ambivalentes d’un phénomène physique à un médium
Ce texte s’appuie principalement sur des travaux réalisés entre 1998 et 2005 par le duo de cinéastes plasticiens Vu pour vous…(http://vupourvousduo.blogspot.fr/). Dans les productions que je cosignais alors avec Gérald Groult mon attention était focalisée sur l’exploitation des accidents propres au support cinématographique photo-chimique. Parmi ceux-ci le blocage de la pellicule dans le projecteur, occasionnant la fusion de la pellicule et la destruction de la figuration, m’a particulièrement interpelé. Comme je tâcherai maintenant de le présenter cet accident particulier revêt une dimension symbolique fondamentale tant la relation qu’entretiennent feu et flammes avec le cinéma s’inscrit au cœur même de cet art. Qu’il s’agisse de l’embrasement accidentel de la pellicule nitrate ou de la destruction contrôlée de pellicules polyester par des plasticiens, c’est à une relation ambivalente que nous invitent le feu et les flammes dans leurs relations au médium cinématographique. Tantôt fléau destructeur et meurtrier, tantôt auxiliaire technique, tantôt générateur de créations spontanées ou parfois véritable ressort narratif et dramatique, ce phénomène physique à travers quelques exemples tirés de ma pratique mis en écho avec diverses œuvres, m’amènera maintenant à interroger sa dimension symbolique, esthétique, historique, technique et parfois même politique pour dégager de cette relation un véritable moteur à la création.

Résumé de la contribution de Sandrine Ferret : Terres brûlées

Qu’est-ce qu’une terre brûlée ? C’est une étendue sans aucune végétation, le sol caillouteux, sablonneux ou encore noirci par le feu qui affiche son hostilité au vivant, bien que souvent la puissance de feu, responsable du désastre, soit d’origine humaine. La vision de la terre brûlée inhospitalière happe celui qui la contemple, dans un mélange subtil où l’horreur de la tabula rasacroise l’espoir absolu. Dans les photographies de Sophie Ristelhueber ou de Luc Delahaye,analysées dans ce texte, ce dispositif de représentation est interrogé et perturbé. Si le feu volontaire y atteste de sa force de destruction, il est aussi le moyen par lequel l’image tire sa force de conviction. Evitant avec soin le pouvoir de séduction qu’exerce le feu sur chacun, ces photographes s’exercent au contraire à prendre leurs distances et à faire en sorte qu’un équilibre fragile se tisse entre la force destructrice et fascinante du feu et sa capacité à construire un espace plastique, que l’on pourrait qualifier de spécifique, au cœur de la photographie. De ce point de vue le travail de Raoul Ubac, qui pour autant ne concerne pas la terre brûlée, pourra servir de point de réflexion, notamment au travers de l’analyse de ce qu’il intitule ses « brûlages », afin de déterminer les conditions du développement, en photographie, du pouvoir créateur du feu.

 

Fiche descriptive de l’ouvrage : Le feu à l’oeuvre dans la création contemporaine sous la direction de Laurence Tuot

Éditeur : Publications de l’université de Saint-Etienne

Collection / Série : CIEREC – Collection « Arts » ; 175

282 pages ; 24 x 16 cm ; broché

ISBN 978-2-86272-706-6

EAN 9782862727066

Résumé : La thermodynamique, ou science de la chaleur, a depuis sa naissance profondément modifié notre conception du monde. Ce n’est plus l’horloge mais, selon Ilya Prigogine et Isabelle Stengers, « la fournaise grondante des machines à vapeur » qui devient le modèle de fonctionnement de l’univers. Ce nouvel imaginaire semble ne pas avoir épargné les sphères de l’art où le hasard, le chaos, l’énergie ou encore l’éphémère sont devenus des notions-clés de la réflexion esthétique. Le feu s’offre dès lors comme un objet d’étude pertinent pour penser et décrire certaines métamorphoses de la scène artistique du XXe siècle à nos jours. Si certains artistes s’en emparent en effet au sein même de leur processus créatif, cet élément redoutable et destructeur devient chez d’autres, plus qu’un médium, un véritable paradigme de l’acte créateur. Cet ouvrage se propose d’analyser le sens et les enjeux de cet « appel du bûcher », pour reprendre l’expression de Gaston Bachelard, où le feu, paradoxalement, fait œuvre.