Maurizio Nannucci, Leporello n° 06, Gôtenborg, LL'EDITIONS, 2022.

Le livre accordéon ou leporello – d’après le nom du valet de Don Juan dans le Don Giovanni de Mozart – est un médium fascinant : aussi simple ou rudimentaire qu’il puisse paraître de prime abord, il se révèle aussi d’une incroyable complexité.

Médium à part entière faisant le lien entre le rouleau et le codex, il se définit en premier lieu par ses plis. Ces derniers – il y en a par principe au moins deux, qui s’alternent dans un sens et dans l’autre – suffisent à délimiter des espaces, qui évoquent des pages sans en être vraiment. Ce qu’on appellera les pans, les facettes ou les volets du leporello ont en effet ceci de particulier qu’ils peuvent servir autant une logique de continuité que de rupture : cette propriété fait que la structure de cette édition convient aussi bien au panoramique, au récit, à l’inventaire ou à la collection. Chaque élément pourra – ou non – être isolé dans sa « case », mais restera, quoi qu’il en soit, conceptuellement et matériellement relié à l’ensemble. L’une des particularités du leporello – et ce qui a attiré les nombreux artistes qui se sont saisis de ce support – réside dans sa capacité à réconcilier les contraires : une même édition peut prendre des dimensions radicalement différentes, infiniment petite ou incroyablement longue selon qu’elle est ramassée ou déployée. Plié, le leporello se lit et se découvre progressivement, page après page, comme un codex. Déplié, il peut se révéler tout entier, se donner à voir en une fois, comme un tableau ou une affiche. le leporello porte ainsi en lui une temporalité paradoxale, duelle, et chaque édition offre au moins deux modes de lecture, d’ordinaire inconciliables. Plié, on le parcourt d’ailleurs plutôt à l’horizontal, posé sur une table. Déplié, il est en mesure de se tenir debout – précisément grâce aux plis qui lui sont constitutifs et préviennent son affaissement : il s’appréhende alors verticalement. De livre, il peut ainsi devenir tour à tour sculpture ou frise, entretenant une tension permanente entre la deuxième et la troisième dimension ; tantôt il se prête à une lecture individuelle, tantôt, tel une banderole, il autorise ou incite à une lecture collective.

En écho à l’exposition « Pli selon pli » présentée au Cabinet du livre d’artiste, il s’agira pendant cette journée d’étudier les propriétés de ce médium singulier, et d’analyser comment des artistes de différentes tendances artistiques ont déconstruit, rejoué et exploré l’infinité de ses possibilités plastiques et conceptuelles. Nous porterons une attention particulière aux modalités et postures de lecture induites par ce médium et à la tension susceptible de s’instaurer entre le voir et le lire. Nous observerons également comment les artistes, en investissant cette forme imprimée singulière, mettent en évidence le fait que la matérialisation ne peut être dissociée de l’idée à laquelle elle donne corps.

Programme

9h : Accueil au Cabinet du livre d’artiste, visite libre de l’exposition « Pli selon pli. Leporellos d’artistes »

9h30 : Introduction, Marie Boivent et Stephen Perkins

10h : « Plier, déplier, replier: les leporellos de Bernard Villers », Leszek Brogowski

10h30 : « The leporello as a comic strip », Luc Cotinat

11h : Pause

11h30 : « Éditer des leporellos d’artistes : The leporellos Series », LL’Editions / Andreas Friberg Lundgren (en visio)

12h : Intervention des étudiant·es du séminaire « Art et édition »

12h45-14h15 : Pause déjeuner

14h15 et 15h : Visites commentées de l’exposition « Pli selon pli » par Stephen Perkins et Marie Boivent (visite sur inscription, par mail : marie.boivent@univ-rennes2.fr)

Voir tous les articles