Jean-Baptiste Ganne, Book Bloc

Le phénomène des Book Blocs apparaît à Rome en 2010. À l’occasion d’une manifestation anti-Berlusconi, des étudiant·e·s de l’université La Sapienza ont fabriqué des boucliers de fortune, imitant des couvertures de livres réduites à l’essentiel : la seule mention d’un·e auteur·trice et d’un titre en lettres manuscrites sur des cartons peints permettait d’identifier des ouvrages politiques, mais aussi des romans, des nouvelles, des essais théoriques, etc. Ce dispositif, mis au point dans l’urgence et depuis repris et adapté partout dans le monde, manifeste à la fois la volonté de se protéger, serait-ce symboliquement, mais aussi celle d’opposer aux forces de l’ordre et aux dirigeant·e·s la résistance de la connaissance, brandie avec ostentation. Cette journée d’étude se propose d’analyser les enjeux de ce phénomène, en l’abordant selon différents angles. On pourra observer les répertoires d’actions collectives et/ou les inventions militantes qui, à l’instar des book blocs, mettent en œuvre lors de manifestations ou d’actions urbaines des tactiques de luttes où peuvent se rencontrer gestes artistiques et politiques. Ainsi, le rôle et le statut des objets conçus pour ces occasions, et plus largement la question de la représentation, entendue au double sens du terme, esthétique et politique, pourront être analysés. Il sera également intéressant de s’arrêter sur la question du livre, à la fois en tant qu’objet matériel et intellectuel. Avec le book bloc, la couverture, par métonymie, et le livre, en tant qu’allégorie du savoir, deviennent littéralement– physiquement– objets de protection. Le choix des titres n’est, en outre, jamais anodin. Dès lors, quels ouvrages, quel·le·s auteur·trice·s, se voient régulièrement opposé·e·s à la force aveugle des dominant·e·s, ou mobilisé·e·s pour leur charge subversive ou critique ? Dans quelles autres circonstances peuvent-iels être convoqué·e·s, pour quelles prises de position et quels effets ? Ou, par extension, comment les arstites élisent-iels des ouvrages phares qui les suivront tout au long de leur carrière ? Ces questions pourront ouvrir vers une réflexion plus large sur la littérature dans son lien avec l’action politique. Il conviendra aussi de ne pas oublier que le livre incarne, en tant qu’objet, la relation entre culture et marchandise. Les réflexions menées au cours de cette journée d’études pourront ainsi se déplacer du contexte de la manifestation vers d’autres terrains où le livre est envisagé comme objet de résistance.

Programme

9h30- Accueil au Cabinet du livre d’artiste, visite libre de l’exposition « Contre-attaques : Book Blocs et bibliothèques explosives »

10h- Ouverture : Marie Boivent (Arts plastiques, Rennes2)

10h10- « Petite histoire du livre comme bouclier » : Vanessa Morisset (historienne de l’art, crique d’art indépendante, Paris)

10h45- Table ronde : avec Jean-Baptiste Ganne (artiste, Marseille), Anne-Valérie Gasc (artiste, Marseille), Babeth Rambault (artiste, Rennes), en partenariat avec le Réseau documents d’artistes. Introduction par Claire Henry et Iragaëlle Monnier (Réseau documents d’artistes)

Modération: Vanessa Morisset et Aurélie Noury (coordinatrice du Cabinet du livre d’artiste)

12h15 > 14h : Pause déjeuner

14h- « Henri Michaux, un livre « pour pouvoir » » : Pauline Hachette (docteure en littérature, Paris)

14h30- « Les book blocs shields ou l’art de la citation » : Stéphane Lemercier (artiste, docteur en Arts plastiques, Marseille)

15h- Discussion/pause

15h45- « Du refuge au texte armé » : Véronique Pittolo (écrivaine, Paris)

16h15- « Le cartel (d’exposition) comme bouclier ? », Francis Raynaud (artiste, doctorant en Arts plastuques, Rennes 2)

16h45- Discussion et conclusion

Journée organisée par l’Équipe d’Accueil PTAC, en partenariat avec le Cabinet du livre d’artiste et le Réseau documents d’artistes. Outre l’exposition « Contre-attaques : Book Blocs et bibliothèques explosives » présentée au Cabinet du livre d’artiste (du 6 octobre au 25 novembre, vernissage le 6 octobre à 18h), cet événement s’accompagne d’un workshop mené par Jean-Baptiste Ganne du 3 au 6 octobre au Bois Perrin avec les étudiant·e·s en Master Recherche Arts plastiques et les étudiant·e·s en Master de l’EUR CAPS (présentation publique au Bois Perrin le 6 octobre à 16h).