Si le mouvement historique du XIXe siècle, qui voit en 1839 la divulgation publique du daguerréotype puis en 1895 celle du cinématographe, va de la photographie vers le cinéma, de l’image fixe aux images en mouvement, il faudrait faire retour sur la présence (assez) massive des photographies dans la promotion, la critique et l’écriture du cinéma. On ne s’intéressera pas ici aux photographies dans les films, mais bien au rôle endossé par la photographie, image fixe, dans la monstration du cinéma lorsque la mise en mouvement de celui–ci est impossible, qu’elle concerne les publications, des plus savantes aux plus populaires (presse cinématographique et artistique, livres de cinéma, histoires du cinéma, ou ciné–romans), ou les expositions, vitrines et devantures des salles de cinéma où des photographies s’affichent. En effet, au début du XXe siècle, entre les développements de la presse illustrée, ceux de la production et de l’exploitation cinématographiques, les photographies sont de plus en plus présentes et ce, avec tout le paradoxe d’une image fixe comme expression privilégiée du cinéma, art du mouvement. Ces images photographiques, qu’elles soient des mises en scène sur le plateau (avec ou sans l’équipe de tournage) ou des photogrammes (images tirées de la pellicule), influencent la critique et nourrissent une manière de penser, de commenter et sans doute de regarder le cinéma. Il s’agit donc tout autant de réfléchir à ce que produit tel ou tel choix d’image que d’explorer les formes de circulation de certaines photographies. En ce sens, il s’agit aussi d’explorer, voire d’historiciser la notion d’inédit comme la manière dont certaines images cristallisent et participent, au gré de leurs rééditions successives, à la construction de topoï et d’une imagerie qui semble parfois indépassable. Entre ces deux pôles (l’inédit et le cliché), il peut être intéressant de scruter la manière dont une photographie précise a pu faire l’objet de retouches, de recadrages lors de ses rééditions. En cette histoire, il convient de porter une attention toute particulière aux techniques comme à la matérialité engagés dans la production et la diffusion de ces photographies. Des brevets évoquent des caméras prévues pour tourner des vues et prendre des photographies fixes.
D’autres dispositifs ont été conçus pour faciliter le tirage sur papier de photogrammes tandis que certains éditeurs ont pu faire des choix techniques d’impression (ex : prévoir un verso vierge en vue d’un affichage) qui éclairent les usages prévus, les horizons d’attente liés à cette
circulation d’images fixes. Dès lors, l’industrie cinématographique soutient, en qualité d’industrie culturelle, toute une économie photographique, qui fait appel aux photographes de plateau (ainsi par exemple Eli Lotar ou de Sam Levin pour Renoir), et veut disposer d’images – commerciales – à médiatiser. Les modalités et les effets de diffusion, de circulation des photogrammes de films, des photographies de tournage, de plateau ou d’exploitation ont été relativement peu étudiées, tant par les historiens de la photographie que par ceux du cinéma. Ce colloque, suivant une chronologie qui irait des origines du cinéma à la fin des années soixante et selon une géographie ouverte, voudrait envisager l’histoire de la production ainsi que les usages de ces photographies relatives au cinéma, autrement dit les rôles joués par les images photographiques destinées à figurer / illustrer, publier et écrire le cinéma.
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