Résumé
Depuis une vingtaine d’années, des musiciens enturbannés se produisent avec succès sur les scènes de la World Music sous le label « musique touarègue », tandis qu’au Sahara des festivals présentent des cultures nomades pour un public de passionnés venus du monde entier. Comment expliquer cette trajectoire improbable, des sables du désert au succès commercial ?
Loin des clichés d’une musique qui serait exportée, intacte, du Sahara, Marta Amico plonge le lecteur dans les coulisses des scènes festivalières, derrière l’écran de l’ingénieur du son qui prépare un album, à l’écoute des paroles engagées des musiciens, des négociations des producteurs et des appréciations du public, pour repenser la créativité et l’agentivité des différences culturelles de nos sociétés. L’identité ne naît-elle pas aussi des discours produits sur ces « musiques du monde » et des outils mobilisés pour les créer, les jouer, les échanger, les programmer, les analyser ?
Alors que le Sahara malien s’enlise depuis 2012 dans un conflit armé qui affecte lourdement les scènes culturelles locales, ce livre suit un mouvement sonore et politique qui recompose le monde touareg à l’aune de la mondialisation : entre la menace de disparition d’un « peuple nomade » et sa surexposition lors des festivals internationaux ; entre le « goût des autres » des institutions culturelles occidentales et les évolutions esthétiques des répertoires dits traditionnels ; entre l’image internationale du musicien rebelle avec kalachnikov et guitare et les réalités d’un conflit qui transforme le Nord du Mali en un lieu d’enlèvements terroristes et d’affrontements militaires. L’exploration des routes musicales qui relient le Sahara à l’Occident révèle les formes de résistance culturelle qui traversent un désert sous tension, tout en incitant à une remise en question des rapports à l’altérité qui habitent la mondialisation contemporaine.