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Jeudi 6 mars 2025

  • Rencontre-dédicace au TNB à 19h avec Jacques Demange et Christian Viviani pour la présentation de Actors Studio publié chez Carlotta.
  • Projection de La Mort aux trousses/North by Northwest au TNB (19h30).

Vendredi 7 mars 2025

  • 9 h 15 : Accueil
  • 9 h 30 : Introduction de la journée d’étude

9 h 45 – 10 h 30 : Jacques DEMANGE et Christian VIVIANI

Jouer avec, jouer contre. Eva Marie Saint, contrebandière de la Méthode à Hollywood

Dans l’inconscient cinéphile, le Method actor est un acteur difficile, peu enclin à suivre les directives de son metteur en scène. Les récits et anecdotes de tournage rapportés par la presse abondent dans ce sens : conscient de son statut artistique, l’acteur de la Méthode ne peut s’empêcher de discuter les décisions de son réalisateur, modifie à loisir le scénario pour le faire correspondre à ses propres attentes, improvise sur le plateau de tournage au grand dam de l’équipe du film et de ses partenaires, peine en général à obéir aux diktats du cinéma hollywoodien et aux prérogatives des productions. Il n’en reste qu’à côté de ces démonstrations de force, l’acteur de la Méthode sut également se fondre dans le décor hollywoodien, distillant la modernité de son jeu sous couvert d’une acceptation des codes et des conventions du système des grands studios. L’acteur de la Méthode apparaît alors comme un « contrebandier », définition qui correspond parfaitement à la trajectoire empruntée par Eva Marie Saint. À travers l’étude de trois films et de trois collaboration (Sur les quais [Elia Kazan, 1954] ; La Mort aux trousses [Alfred Hitchcock, 1959] ; Le Chevalier des sables [Vincente Minnelli, 1967]), cette communication aura pour but de souligner les spécificités du jeu de Eva Marie Saint et la façon dont ses qualités méthodologiques et stylistiques surent s’adapter mais également s’enrichir du tempérament de réalisateurs différents. L’analyse comparative de l’usage de certains outils de jeu (l’utilisation d’un accessoire, par exemple) ou d’une posture particulière nous permettra d’insister sur la cohérence de la méthodologie de l’actrice mais également sur sa flexibilité au regard des caractéristiques de mise en scène de ces trois films. La représentation de la collaboration entre ces trois réalisateurs et l’actrice se transmet donc principalement par les qualités intrinsèques des films (cadrages, montage, mouvements d’appareil). Cet aspect nous incitera à analyser certaines séquences en particulier pour montrer la façon dont la mise en scène d’une démarche, d’un geste ou d’une simple expression faciale peut symptomatiser la nature d’un dialogue entre interprète et réalisateur et ses représentations (souterraines) à l’écran.

10 h 30 – 11 h 15 : Yvane FROT

Démythification et féminisation de la figure du cinéaste dans le cinéma français contemporain

Le monde du cinéma depuis l’affaire Weinstein cristallise les dérives du patriarcat, offrant un miroir grossissant au système de domination des hommes sur les femmes. Les révélations et les mises en accusation suscitent la stupeur par leur multiplicité et révèlent un fonctionnement délétère au sein de la création cinématographique notamment en ce qui concerne les relations entre cinéastes et actrices. En France, les prises de parole de ces dernières, jusqu’à récemment celles de Judith Godrèche, engendrent une période d’ébranlement des repères culturels et de l’approche romantique et idéalisée du cinéaste. Au-delà des prises de paroles et de l’espace médiatique comment les œuvres s’emparent-elles de ces mises en cause ? Dépassant le seul enjeu de la dénonciation, les films proposent-ils de nouvelles représentations ? On observe dans le cinéma français de ces dernières années des lignes de force qui revisitent les schémas préexistants dans une perspective de démythification de la figure de l’auteur et de réécriture des collaborations au sein de la création cinématographique pour faire émerger de nouveaux imaginaires. Le dispositif récurrent de la mise en abyme se fait porteur d’une voix dénonciatrice, de Lux Aeterna de Gaspar Noé (2019) à Maria de Jessica Palud (2024), ainsi que d’une voie émancipatrice dessinée par Sibyl de Justine Triet (2019), Bergman Island de Mia Hansen-Løve (2021), Voyages en Italie de Sophie Letourneur (2023), ou encore Little girl blue de Mona Achache (2023).

• 11 h 15 – 12 h : David VASSE

L’art de la corrida : être acteur pour Catherine Breillat

« Acteur c’est un métier de fakir. On peut marcher sur les braises, on se brûle pas. Ou bien on fait un autre métier », lance à son équipe de tournage la réalisatrice interprétée par Anne Parillaud dans Sex is comedy de Catherine Breillat (2002). Cette réplique a valeur de manifeste. Dans ce film en miroir, aux allures d’autoportrait à peine voilé, Catherine Breillat transpose sa conception pratique et théorique du cinéma et de l’acteur, une conception fondée sur la tension entre plusieurs extrêmes ; peur et excitation, répugnance et désir, brutalité et ravissement. Quel que soit leur statut, les acteurs sont pour elle l’équivalent de l’encre pour l’écrivain, la couleur pour le peintre, la glaise pour le sculpteur.

Portée par l’exigence de son propos (la découverte de soi à travers l’altérité sexuelle), Catherine Breillat utilise volontiers la métaphore de la corrida (1) pour parler de son travail avec les acteurs pendant la préparation d’une scène. Il s’agira dans cette communication d’expliquer par quels protocoles la cinéaste obtient d’eux non qu’ils soient justes par rapport au scénario mais révélateurs, au nom du film, d’un état de grâce qui surpasse les appréhensions et les conditions matérielles du tournage. En nous appuyant sur Sex is comedy, sa Nuit américaine en quelque sorte, nous tâcherons d’élargir notre propos à d’autres de ses films (Sale comme un ange, Romance, Abus de faiblesse) qui documentent, à travers les enjeux de la fiction, les points de négociation toujours instables entre la rigueur d’une cinéaste attachée à des idées bien précises sur la représentation de l’attraction sexuelle à l’écran et des acteurs et actrices qui, de par leur corps et leur propre rapport à l’intimité, lui donnent ce qu’elle veut par inclinaison paradoxale, au bout de leur mise à nu.

(1) En référence sans doute à Ai no corrida, titre original de L’Empire des sens de Nagisa Oshima, 1976, son film-totem.

  • 12 h – 12 h 30 : Discussion
  • 12 h 30 – 14 h 30 : Déjeuner

14 h 30 – 15 h 15 : Bénédicte BREMARD

La figure du cinéaste dans l’œuvre d’Almodóvar : du cinéma-désir au cinéma-mémoire

La Loi du désir (1987), Attache-moi (1989), La Mauvaise Education (2004), Étreintes brisées (2009), Douleur et Gloire (2019) : cinq des vingt-deux longs métrages écrits et réalisés par Pedro Almodóvar des années 1980 à ce jour mettent en scène une figure de cinéaste. Obsession thématique ou clef de voûte de son identité d’auteur ? Cette communication proposera de répondre à cette question en analysant les différentes facettes que présente la figure du cinéaste dans ce corpus : incarnation du désir qui se confond avec le désir de filmer, corps empêché de filmer par le handicap (paralysie, cécité) ou la maladie, mais aussi chantre d’un cinéma-mémoire. Au-delà de la mise en scène du je cinéaste à l’œuvre dévoilant les coulisses de son travail comme a pu le faire Truffaut dans La Nuit américaine, ce sont de véritables mémoires de tournages antérieurs que représentent Étreintes brisées et Douleur et gloire, en éclairant d’un jour nouveau les rapports entre le cinéaste et ses interprètes de Dans les ténèbres et Femmes au bord de la crise de nerfs d’une part, et La loi du désir d’autre part.

15 h 15 – 16 h : Andrés Felipe LINARES

Filiation et création dans l’œuvre de Carlos Saura. L’art photographique au service de la fabrique d’une famille cinématographique

N’ayant jamais abandonné son premier métier, les recueils photographiques de Carlos Saura, ainsi que les photographies de tournage et de plateau prises par lui-même et par d’autres photographes, témoignent de l’hétérogénéité de perspectives présentes dans l’œuvre de l’auteur espagnol. Une œuvre qui réfléchit sur la dimension historique et ontologique de l’image fixe et propose des discussions autour de la mémoire familiale, la transposition et les rapports cinéma-photographie, le sens de la filiation et les enjeux de la création filmique lorsque le statut d’auteur total confronte les attributs de la collaboration artistique. À travers l’étude de ces sources, il s’agira de composer une première analyse de la multiplicité de médiums à travers laquelle l’œuvre photographique de Carlos Saura rejoint son œuvre filmique entremêlant les enjeux de la fabrique cinématographique, le statut de l’auteur en tant que cinéaste-photographe et les particularités des collaborations entre réalisateur- actrice/acteur. Nous cherchons ainsi à rendre compte de l’ampleur du sens de filiation conçu par Saura que ce soit de l’ordre biologique ou artistique, mais aussi et surtout affective dans ses portraits de Géraldine Chaplin, compagne, muse et collaboratrice. Toutes ces filiations influencent les procédés créatifs du cinéaste espagnol et lui permettent de concevoir l’idée d’une « famille cinématographique » qui se manifeste formellement à travers ses récits filmiques et photographiques et se reproduit tout au long de sa pratique artistique.

16 h – 16 h 30 : Discussion