Dans La Quatrième Personne du singulier, le dramaturge Valère Novarina parle de la grâce en tant qu’événement d’une reconnaissance qui survient parfois pour l’acteur et le spectateur au moment de la représentation théâtrale. Il s’agira de voir en quoi cette reconnaissance novarinienne s’apparenterait à la rencontre avec un certain type de connaissance déjà là mais à laquelle on n’accède qu’occasionnellement, et qui oscillerait entre savoir et non-savoir. Novarina situe ce processus de (re) connaissance dans le champ du langage, qui serait le lieu de cette connaissance qui pourtant, en même temps, la cacherait, selon lui, par ses artifices grammaticaux, stylistiques ou académiques. Pour accéder à cette (re) connaissance, Novarina se propose donc comme méthode de déconstruire le langage en pratiquant ce qu’il appelle une cure d’idiotie, en référence à certaines pratiques issues de la théologie négative. Cet autre langage ouvrirait alors pour celui qui en fait l’expérience sur la possibilité de faire advenir une parole vraie, laquelle constituerait un état de grâce accompagné de joie et de plénitude lorsque spectateur ou acteur y reconnaissent une part de non-savoir qui résiste en chacun et fonde cependant la nécessité d’en savoir quelque chose. La possibilité de ce savoir procéderait dans l’œuvre novarinienne d’une mise en pratique des principes de la via negativa, soit d’un enseignement qui éveille l’intellect en le menant d’abord sur des chemins d’errance et d’ignorance. Ce serait par cette mise à l’épreuve dont résulte l’expérience du théâtre novarinien que pourrait advenir une grâce pour le spectateur – voire pour l’acteur –, lorsque celui-ci vient faire l’épreuve d’une ignorance constitutive et nécessaire à tout savoir et, par cette quête, à la possibilité d’une sagesse.

Alexandra Gaudechaux