Descriptif du séminaire

A l’ère de grands bouleversements sociétaux, qu’ils soient technologique, économique, sociologique, politique, écologique ou sanitaire – et nous pouvons malheureusement rajouter à cette liste les bouleversements plus récents occasionnés par le retour de la guerre aux frontières de l’Europe – la création est certainement un lieu d’où penser la crise et les mutations esthétiques qu’elle suscite ou impose.

De nombreux artistes interrogent ces pulsations sociétales, qui ont des conséquences esthétiques en induisant une autre crise, celle de l’ensemble des systèmes de représentations : que peut l’art face à ces bouleversements sociétaux et culturels ? Selon quelles formes ? Pour quels publics ? Pourrait-on repérer ensemble quelques lieux – convergents ou divergents selon les arts concernés – de ces mutations esthétiques ? En d’autres termes, comment repenser le lien fécond entre art et vie à l’ère des grands bouleversements mondiaux ? Et comment comparer les processus artistiques émergents en temps de crise, avec des terrains et des disciplines diversifiées, cinéma, musique, théâtre, mais aussi littérature et arts plastiques ? Comment mettre en commun nos expertises dans ces champs diversifiés des arts pour tenter, selon une analyse  comparatiste, de mieux situer les incidences des crises que nous traversons sur les pratiques et les théories des arts ? Il revient peut-être à des Unités de Recherche en art de dialoguer ensemble pour analyser ces phénomènes et se faire les sismographes de ces transformations  profondes.

Il s’agira donc ici de proposer un observatoire des mutations esthétiques contemporaines en lien avec leurs ancrages historiques ; de tenter de saisir les formes émergentes en les inscrivant dans un contexte, qu’il soit temporel ou sociétal ; de penser la création comme rupture et devenir, car « la crise indique le devenir du système, et donc son historicité, tout comme elle révèle sa continuité heurtée, non linéaire » (Anne Sauvagnargues, 2004)¹ . Mais aussi de comparer les méthodologies des chercheurs dans une perspective interdisciplinaire, quand les œuvres, désormais prises dans le mouvement, ne se laissent pas facilement appréhender et saisir par les voies classiques de l’analyse. C’est donc également à un regard réflexif que mène la notion de mutation, l’hypothèse des changements ayant une incidence active sur le regard du chercheur et donc sur le renouvellement des perspectives épistémologiques dans le domaine de la création.

La mise en place d’un observatoire des mutations esthétiques permettra de mettre en exergue des approches interdisciplinaires dans le domaine des arts (cinéma, musique, théâtre, littérature, arts plastiques) mais aussi d’emprunter des outils d’analyse aux sciences de l’homme (histoire, sociologie, anthropologie, philosophie, etc.) comme aux sciences dures (biologie).

Trois axes seront développés de 2022 à 2024 :

– Observatoire des émergences terminologiques et esthétiques
– Mutations esthétiques / mutations sociétales
– Mutations esthétiques / mutations épistémologiques.

Acte créateur et subversion du sujet : corps, parole, image Sous la responsabilité scientifique de Joseph Delaplace (PU Musique) et Alexandra Gaudechaux (docteure en études théâtrales)

Nous proposons d’étudier ce que l’acte créateur créateur vient nous dire du rapport singulier que certains artistes contemporains entretiennent avec le réel. Un réel qui, selon Lacan, constitue pour le sujet un impossible à dire ou à représenter, mais qui peut aussi se révéler en tant qu’élan d’inspiration et de création. Nous souhaitons interroger le cheminement de cet élan jusqu’à l’acte créateur à travers les témoignages d’artistes contemporains dont les œuvres nous semblent faire place, de façon privilégiée, à l’incertitude, au ratage, à la fragilité. Mouvantes,  mutantes, jubilatoires, leurs œuvres viennent nous dire ce qui toujours résisterait à l’idéal d’un savoir absolu posé sur soi et sur le monde, cela au profit d’une « subversion du sujet ». Si la subversion peut renvoyer à « une action visant à saper les valeurs et les institutions établies », elle est aussi ce que la psychanalyse entrevoit du côté d’un sujet qui se confronte à un manque dans le savoir. C’est ce « non savoir absolu » au cœur de l’acte créateur qu’il s’agira de tenter d’approcher au singulier des artistes que nous recevrons et des manières par lesquelles ils se  proposent de venir « faire avec » le manque, l’incertitude, soit aussi avec ce qui fonde leur rapport au monde et les potentielles mutations qui s’y font jour. À la lumière de la philosophie de l’art et de la psychanalyse, nous tenterons ainsi de cerner comment ces façons de faire en passent
par le corps, par la parole ou par l’image, pour inventer un savoir-faire avec avec ce qui échappe ou achoppe, avec l’altérité.

Grands témoins

Lancement du séminaire par la directrice de l’UFR Marion Denizot, et par la vice-Présidente à la Recherche, Gaïd Idrissi, et présentation générale du séminaire Observatoire des mutations esthétiques, initié par Sophie Lucet, co-directrice de l’Unité de Recherche Arts : pratiques et poétiques, puis introduction de la journée par Joseph Delaplace et Alexandra Gaudechaux

Ouverture du séminaire par Marianne Massin, « Épreuves artistiques et esthétiques. Le fécond dessaisissement du sujet ».

Laëtitia Jodeau-Belle, « Edi Dubien, un artiste en suspension » – Christiane Page, « L’IA sur scène : vers une nouvelle école du spectateur » – François David, « Subversion rythmique du sujet » –  Jérémy Bouchaud en dialogue avec Duncan Talhouët, « De l’étrangeté dans le personnage : un dialogue avec Duncan Talhouët ».

Jean-Luc Gaspard et Mélinda Marx en dialogue avec Latifa Laâbissi, «C’est vraiment l’hybridité qui m’intéresse» : le corps dansé de Latifa Laâbissi – Performance de Camille Boitel

Adrien Ordonneau, « Subversion hantologique des musiques électroniques post-rave, du postmodernisme au métamodernisme ».

Performance musicale du groupe Antimoine.

Anne Sauvagnargues, «Devenir et histoire : la lecture de Foucault par Deleuze,
in Concepts (8) Edition Sils Maria, mars 2004, p 64

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