Argumentaire

Si l’histoire des relations culturelles entre la France et l’Allemagne a été largement étudiée ces dernières années, celle des échanges trilatéraux entre la France, la Suisse et le reste du monde germanique (Allemagne et Autriche) reste pour une large part un terrain vierge dans la recherche récente. Cette histoire sera abordée ici à travers le personnage à la fois historique et légendaire de Guillaume Tell et le mythe de la révolte des Cantons suisses contre la domination des Habsbourg.

La rencontre rennaise sera l’occasion d’examiner les métamorphoses historiques, mythiques, littéraires et artistiques auxquelles s’est prêté le récit de la rébellion du héros suisse, à travers différentes époques (XVIIIe-XXIe siècle) et aires culturelles (l’internationalisation du héros national suisse est un phénomène remarquable), au gré des différents supports médiatiques mis à contribution (théâtre, narration, opéra, cinéma, bande dessinée, etc.). La manifestation s’articulera autour de deux grands axes : la construction et la déconstruction d’une icône politique devenue un emblème national suisse, et l’internationalisation du héros – on s’interrogera en particulier sur la façon dont les hauts faits de Guillaume Tell ont pu servir de surface de projection pour des représentations politiques émanant de mouvements politiques, idéologiques ou esthétiques différents (la Révolution française, la classicisme allemand, la Restauration, le romantisme, etc.). On cherchera notamment à comprendre comment des artistes ou intellectuels allemands et français ont pu se reconnaître dans cette figure du rebelle sur laquelle se sont initialement cristallisées les aspirations nationales suisses.

D’un point de vue méthodologique, le colloque interrogera les mécanismes de construction et d’instrumentalisation de l’icône et du symbole politiques. On se demandera si un personnage comme Tell est devenu une simple icône, c’est-à-dire un signe (voire un signal) qui renvoie à une réalité complexe mais tend à se figer, se rapprochant ainsi du stéréotype (lequel peut naturellement être l’objet d’un jeu), ou si on peut voir en lui un symbole aux significations multiples. On questionnera, à la lumière du héros suisse, la notion de symbole, dont on sait qu’elle est le plus souvent irréductible à un concept déterminé et à une signification codée (« un symbole ne peut pas renvoyer l’interprète à une compétence culturelle préalablement codée », écrivait Umberto Eco). L’icône, avec son caractère d’évidence visuelle, et le symbole ont toutefois en commun de se manifester dans une image sensible : le sens du symbole réside dans sa visibilité (Vorzeigbarkeit), explique Hans-Georg Gadamer. Le mythe de Guillaume Tell est particulièrement riche en symboles visuels.

La vaste amplitude chronologique retenue (XVIIIe-XXIe siècles) permettra de comprendre les constantes, les évolutions et les ruptures caractéristiques des différents modes de représentation du mythe, ce qui favorisera ensuite une publication offrant un panorama large des métamorphoses du mythe dans l’histoire de la culture européenne.

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