Appel à communications

Les œuvres réalisées sans autorisation dans l’espace public sont souvent éphémères et mouvantes. Leur précarité tient en premier lieu à leur caractère clandestin : nombre d’entre elles sont ainsi arrachées ou effacées par les propriétaires légaux du support, privés ou publics. Cette précarité tient également à leur emplacement à ciel ouvert, qui les soumet à l’usure des intempéries et les expose à d’éventuelles interventions des usagers. Si la plupart de ces œuvres sont pensées en étroite corrélation avec le lieu et sont donc in situ, les images photographiques qui en sont faites par les artistes et les amateurs circulent néanmoins abondamment hors site, sur internet, assurant une diffusion et une promotion optimales. Ce phénomène est facilité par le développement des espaces de stockage en ligne (clouds), d’espaces virtuels variés (blogs, applications, sites) et par les progrès rapides de la qualité des caméras des smartphones. Il est aussi sans doute renforcé par l’essor des photographies amateures et par le souci de conservation et patrimonialisation qui caractérise la contemporanéité à en croire Jean-Michel Tobelem, qui observait il y a une quinzaine d’années que la multiplication des musées est « un phénomène majeur de notre temps ». Cependant, les images des œuvres ne sont pas les œuvres, surtout dans le cas d’un art aussi mouvant et fragile que le street art, et leur conservation dans ces nouveaux musées virtuels reste problématique. Le simple fait de cadrer la prise de vue d’une œuvre génétiquement contextuelle, éventuellement évolutive, faite pour (et par) la rue, réduit sa dimension performative et l’expérience sensorielle du récepteur. Le paradoxe est bien là : les images des œuvres circulent virtuellement à échelle planétaire tandis que les œuvres elles-mêmes existent sur le lieu de leur réalisation concrète, dans leur situation spécifique. Ce régime de double visibilité, virtuelle et pratique, globale et locale, qui implique une double condition d’existence, éphémère (in situ) et durable (sur la toile), vivante et muséifiée, constitue une spécificité remarquable de ce mouvement de l’art contemporain. Par cette spécificité que l’on pourrait désigner de multidimensionnelle et multi-sited, à l’enseigne d’une glocalisation culturelle, le street art crée ce que Maxime Szczepanski appelle « un type d’espace spécifique, ‘glocal’, pendant du local et du global ». 

Au demeurant, la localisation des œuvres sur site n’est pas sans poser elle-même quelques questions. Si la polémique sur l’expression « street art » est légitimement toujours ouverte, non seulement vis-à-vis des catégories afférentes de graffiti et d’art urbain, mais aussi en raison de la situation rurale de certaines réalisations, l’emplacement en zone urbaine est aussi sujet à discussion. Aussi les expressions alternatives et les néologismes vont-ils bon train (streetographs, art public indépendant, art intermural, etc.), reflétant la complexité du phénomène et de l’objet d’étude. Nombre d’œuvres sont par ailleurs sérielles (à commencer par les pochoirs ou les autocollants, créés dans un but de reproductibilité) ou conçues pour l’exportation et la médiatisation virtuelle. L’emploi de codes verbaux ou iconiques universalisés et le recours fréquent à l’anglais témoignent d’une volonté de s’exporter hors de ses murs. D’ailleurs, les récits de reconnaissance du travail des artistes décrivent généralement un parcours en deux temps : une fois son lieu d’origine exploré dans ses moindres recoins, l’artiste élargit son terrain de jeu hors de la ville-mère jusqu’à évoluer aux quatre coins du monde, le succès couronnant la phase de délocalisation dans les grands centres urbains, très variés en termes à la fois topographiques et culturels. 

L’art clandestin dans l’espace public interroge donc avant tout le rapport de l’œuvre au lieu, à son espace de production, à l’environnement de sa réception. Le sens de l’œuvre varie-t-il en fonction de sa situation de mise en visibilité ? Quels récits véhiculent ces nouvelles pratiques de l’art contemporain ? Comment se construisent les identités culturelles et/ou territoriales au croisement de ces spatialités et dimensions diverses ? Quel sens prend une œuvre délocalisée, exportée ou reproduite dans un espace différent de celui pour lequel elle était initialement conçue ? Telles seront les interrogations au cœur de la réflexion lors du colloque international (25-26 février) et de la journée jeunes chercheurs (24 février) à l’Université Rennes 2 (FR). 

  • Les communications, d’une durée de 20 minutes, pourront se tenir en français ou en anglais.

Calendrier

  • Avant le 25 avril 2021 : envoi des propositions de communication en français ou en anglais (1000-1500 caractères) assorties d’une brève notice bio-bibliographique et de mots clés (5 maximum). Préciser si la proposition concerne la journée jeunes chercheurs (doctorants) ou le colloque (chercheurs confirmés).
  • Avant le 28 janvier 2022 : envoi des synthèses écrites des communications en français ou en anglais (2000-3000 caractères) 
  • 25-26 février 2022 : colloque international, Université Rennes 2.
  • Avant le 25 mars 2022 : envoi des articles en français ou en anglais (30.000-50.000 caractères) pour publication des actes

Contact : Juliette Le Gall juliette.legall188@gmail.com

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