Chargement Évènements
  • Cet évènement est passé.

Université de Caen ERLIS / Université de Rennes 2 ERIMIT – LASIMA

Première journée d’étude
Vendredi 25/02/2022
Université de Caen
Les mağālis d’adab et l’adab des mağālis

Argumentaire

Les mağālis (pl. de mağlis), ou cercles1 d’adab représentent, l’une des sources les plus importantes de la culture arabe. Définis dans l’Encyclopédie de l’Islam comme « nom de lieu du verbe djalasa « s’asseoir » et, par extension, « siéger », « tenir séance » ; à partir du sens primitif de « lieu où l’on se tient » (EI2, T. V, 1986, p.1027), ils ont été un moyen de contact culturel, tout comme ils ont incarné la première école scientifique à travers les siècles.
Cette journée d’étude a pour objectif de faire la lumière sur des mağālis, ou lieux de savoirs, caractérisés par des connaissances globales et d’interroger les textes qui les mettent en exergue afin de saisir davantage les relations entre adab et culture, politique et histoire.
Notons que les mağālis d’adab se sont distingués par une unité du système de pensée et une diversité intellectuelle, grâce au dialogue des cultures qui a exigé de l’homme de lettres et du savant de toucher à tout art et à toute science. Ce dialogue, développé dans les mağālis, a doté l’art de la conversation d’une ouverture d’esprit dans la pensée arabe et a invité les acteurs de ces lieux à se soumettre à l’adab du débat et de l’échange. Cette ouverture a engendré des intellectuels, ayant de vastes connaissances de leur époque. Ils possédaient ainsi leurs propres mağālis ou même ḥalaqāt2 dans lesquels ils enseignaient, discutaient, polémiquaient, conversaient sur tout ce qui traversait les esprits. Ces phénomènes ont poussé des auteurs comme Ǧāḥiẓ ou Tawḥīdī et d’autres à transformer leurs ouvrages d’adab en des encyclopédies de connaissances.
Les mağālis ont été également un moyen efficace sur lesquels les califes, vizirs et mécènes se sont appuyés afin de renforcer leur pouvoir et peut-être d’utiliser les hommes de lettres comme outils de propagande. A l’intérieur de ces mağālis, existe tout un protocole d’adab (étiquette, règles de bonne conduite, etc.). On y discutait littérature, religion, politique, philosophie, faits de société ; on y écoutait des plaintes, des chants, des poèmes ; on cherchait à s’y divertir, etc.
Le monde arabe a joui également de nombreux et riches mağālis ou salons littéraires même si leur influence est moindre aujourd’hui qu’à l’époque médiévale. On pense par exemple aux salons de May Ziadé (Ziyāda), de la princesse Nāzlī Fādil, de la figure du féminisme égyptien Hudā Ša‘rāwī, du poète Aḥmad Taymūr, de Maḥmūd ‘Abbās al-‘Aqqād, de la cantatrice Oum
1 Mais aussi « réunion », « assemblée », « conseil », « sénat », « salon de réception », « cénacle », « séance », « audience publique », « ministère ».
2 Deux termes qui désignent un lieu de réunion, mais qui se différencient dans le contenu des déroulés.
Université de Caen ERLIS / Université de Rennes 2 ERIMIT – LASIMA
3 Kalthoum et bien d’autres. On voit aujourd’hui ce phénomène se raviver dans les pays du Golfe, avec le salon de la poétesse émiratie Kalthum ‘Abdullāh, par exemple.
N’oublions pas que les mağālis ont évolué et pris même un aspect virtuel depuis la récente situation sanitaire.
Ce qui pose difficulté au chercheur lorsqu’il se penche sur ce sujet de mağālis, c’est que les contenus de ces derniers sont enchevêtrés puisqu’ils renferment diverses et plusieurs connaissances. Celles-ci, entremêlées dans la structure même d’un texte, posent problème étant donné que les dimensions politiques, intellectuelles et historiques sont liées à l’adab et particulièrement au texte et au contexte du mağlis lui-même.
Le fait de traiter ce vaste sujet du point de vue spatial et temporel, permettrait de dresser une vision globale de l’adab de ces mağālis et de s’en faire une idée complète. Car les mağālis des différentes époques ont partagé de nombreux phénomènes qui ne se différencient que par rapport à la nature du milieu et du pouvoir en place.
Les intervenants mèneront une réflexion et un débat autour des mağālis d’adab et de l’adab (étiquette) des mağālis, jeu de mots important, et notamment sur la problématique liée à l’interprétation des textes traitant ces mağālis de manière à relier les sources de connaissances entre elles ; et à souligner une complémentarité propre aux sciences du patrimoine de sorte que l’adab s’enracine au coeur de la pensée.
Les axes suivants, sans pour autant être considérés les seuls, peuvent servir de pistes de réflexion :
– L’origine et les évolutions du mağlis au niveau terminologique, historique, cultuel, sociétal et politique.
– La structure du mağlis et ses ādāb : les lieux, les règles, les codes, les différentes conditions imposées, l’attitude des protagonistes et leur comportement.
– Le(s) rôle(s) du mağlis d’adab dans le passage de l’oralité à l’écriture et dans l’activité de rédaction et de composition.
– Les diverses dimensions intellectuelles, historiques et politiques du mağlis.
– Autres foyers, institutions et lieux du savoir (mosquées, universités, katātīb, librairies, medersas, marchés, palais, hôpitaux, médias et réseaux sociaux, etc).

Seconde journée d’étude
Vendredi 20/05/2022
Université de Rennes 2
L’art de la conversation dans les mağālis

Argumentaire
Cette seconde journée d’étude est une suite logique à la première dont l’objectif est de faire la lumière sur des mağālis ou lieux de savoirs, et intitulée Les mağālis d’adab et l’adab des mağālis.
Après nous être intéressés au terme du mağlis, à ses codes, à ses règles, à son protocole et à ses formes, nous nous intéresserons ici aux thèmes évoqués au sein de ces lieux de savoir à travers l’art de la conversation. Ce dernier a occupé et occupe encore une place très importante dans les sociétés arabo-musulmanes et dans les écrits de nombreux auteurs tels Ǧāḥiẓ ou Tawḥīdī.
Certes, il existe de nombreux ouvrages qui traitent de l’art de la conversation. Cependant, ces études ne se sont pas préoccupées de l’aspect littéraire, mais plutôt de l’aspect historique, philosophique ou civilisationnel. Elles se sont alors heurtées à plusieurs obstacles concernant la définition et la conception de cet art, ou même à propos de la classification de cet art par rapport à d’autres, puisque tout s’y enchevêtre.
Souvent, les conversations se réalisent sous la forme de question/réponse, réponse directe ou indirecte selon la situation. Parfois, la conversation avec l’autre passe par des formes plus complexes puisque la ou les question(s) sont posées de plusieurs points de vue par des personnes présentes ou non dans le mağlis.
Cette interaction peut donc prendre plusieurs formes dialogales comme le ğadal, la muğādala, la munāẓara, la muḥāwara, la ḫaṭāba, la muḥāğağa, la muqābasa, la mufāḍala, le niqāš, la munāqaša, et encore bien d’autres termes, autant de mots qu’il convient de définir et qui renvoient à un art de la conversation, à la dialectique, à la polémique, à l’argumentation, etc. La dispute a en réalité ses conditions, ses règles et ses codes (Ibn Khaldun, al-Muqaddima, Dār Sādir, 2000, p. 335), puisqu’en principe toute munāẓara (controverse) est un ğadal (une dialectique) alors que tout ğadal n’est pas une munāẓara. Aristote par exemple désigne l’art de la rhétorique (ḫaṭāba) pour distinguer le discours dialectique du discours rhétorique. (Aristote, livre I, Les Belles Lettres, 1991, p. 16-23).
Tout comme l’étude du mağlis, « le fait de traiter ce vaste sujet du point de vue spatial et temporel, permettrait de dresser une vision globale de ces vocables et de s’en faire une idée complète », puisqu’entre tous les arts de la conversation ou formes dialogales, il existe des liens différents qui se situent entre l’intertextualité, la reproduction et la réécriture.
En effet, les débats ont toujours préoccupé l’homme et cela depuis la création du monde. Dans la culture arabe, dès l’époque préislamique, pour les Arabes, les controverses leur étaient connues dans leurs poésies avec les munāfarāt et les mufāḫarāt. Tous ces termes liés à l’art de la conversation ont évolué à travers les époques pour en engendrer d’autres, certains ont même disparu de l’usage actuel, mais sont restés à l’écrit. A l’époque contemporaine, les débats d’adab d’autrefois (littéraire, philosophique, religieux, politique, linguistique, etc) ont été par exemple remplacés plutôt par des débats politiques et religieux sur les chaînes télévisées. On pense par exemple à l’émission de Fayṣal al-Qāsim, Al-ittiğāh al-mu‘ākis, sur la chaîne qatarie al-Jazeera.
Les intervenants mèneront une réflexion et un débat autour de ces arts de la conversation, des thèmes et sujets qui ont préoccupé « l’homme arabe » dans ces lieux de savoir (et ailleurs), à travers les siècles.
Les axes suivants, sans pour autant être considérés les seuls, peuvent servir de pistes de réflexion :
– Les racines ou l’origine et les évolutions des termes englobant l’art de la conversation au niveau terminologique, historique, cultuel, sociétal et politique.
– La structure de la controverse, ses caractéristiques, ses styles, ses formes d’expression, ses règles, ses codes, ses conditions, ses thématiques et l’attitude des controversistes.
– La classification des arts de la conversation et ses critères. Comment distinguer les formes dialogales ?
– La construction de l’argumentation dans cet art de la conversation, les stratégies et techniques du discours.
– Le(s) rôle(s) des débats et discussions dans le passage de l’oralité à l’écriture et dans l’activité de rédaction.

Bibliographie indicative :
– Abū Dīb Kamāl, « al-Mağlisiyyāt wa-l-maqāmāt wa-l-adab al-‘ağā’ibī », Mağallat Fuṣūl, tome 14, n° 4, 1996, p. 210-244.
– Aristote, Rhétorique, Livre I, texte établi et traduit par Méderic Dufour, Les Belles Lettres, Paris, 1991.
– Cahen Claude, « Madjlis », in Encyclopédie de l’Islam, 2e édition.
– Daynūrī (al-) Abū Bakr, al-Muğālasa wa-ğawāhir al-‘ilm, éd. Abū ‘Ubayda Mašhūr b. Ḥasan, Dār Ibn Ḥazm, Beyrouth, 1998.
– Elamrani-Jamal Abdelali, Logique aristotélicienne et grammaire arabe, Vrin, Paris, 1983.
– Ǧāḥiẓ (al-) Abū ‘Uṯmān, Kitāb al-Tāğ fī aḫlāq al-mulūk, éd. Aḥmad Zakī Bāšā, Le Caire, 1914, traduit par Charles Pellat sous le titre Le Livre de la Couronne, Les Belles Lettres, Paris, 1954.
– Ḥāwī Īlyā, Fann al-ḫaṭāba wa-taṭawwuruh ‘inda l-‘arab, Dār al-šarq al-ğadīd, Beyrouth. 1960.
– Ibn Khaldun, Discours sur l’Histoire universelle, trad. par Vincent Monteil, Actes Sud, Sindbad, 1997.
– Kenanah Faisal, « Être « ğalīs » (compagnon intime) et « ṣadīq » (ami) : Le poids de l’autorité pour une amitié d’intérêt », Les Cahiers de l’Islam, n° 2- 2017, p. 123-145.
– Kenanah Faisal, « Un exemple de forme de « sécularisation » et de liberté de penser dans le monde arabo-musulman médiéval : la 17ème nuit du Kitāb al-Imtā‘ wa-l-mu’ānasa d’Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī », Studia Arabica, n° XVIII, pp. 183-210.
– Kerbrat-Orecchioni Catherine, « La polémique et ses définitions », in Gelas Nadine & Kerbrat-Orecchioni Catherine (éds), Le discours polémique, 1980, PUL, Lyon, p. 3-40.
– Kerbrat-Orecchioni Catherine, De l’argumentation, Armand Colin, Paris, 1999.
– Kushâjim Abū l-Fatḥ L’art du commensal, boire dans la culture arabe classique, présenté, traduit de l’arabe et annoté par Siham Bouhlal, préface d’André Miquel, Actes Sud, Sindbad, 2009.
– Mas‘ūdī (al-), Les Prairies d’or, trad. de Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, rev. et corr. par Charles Pellat, Société asiatique, Paris, 1962.
– Natij Salah, « La nuit inaugurale de Kitāb al-Imtā‘ wa-l-mu’ānasa d’Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī : une leçon magistrale d’adab », Arabica, 55 (2), 2008, p. 227-275.
– Pellat Charles, Ibn al-Muqaffa‘, « conseilleur » du calife », Maisonneuve et Larose, Paris, 1996.
– Sam‘ānī (al-) Abū Sa‘īd, Adab al-imlā’ wa-l-istimlā’, Jeddah, 1993.
– Sourdel Dominique et Janine, La civilisation de l’Islam classique, Arthaud, Paris, 1968.
– Ṣūlī (al-) Abū Bakr, Aḫbār al-Rāḍī bi-llāh wa-l-Muttaqī bi-llāh, éd. Heyworth Dunne, Beyrouth, 1979.
– Tāha ‘Abdu l-Raḥmān, Fī uṣūl al-ḥiwār wa-tağdīd ‘ilm al-kalām, al-Markaz al-ṯaqāfī al-‘arabī, Casablanca, 2000.
– Tawḥīdī (al-) Abū Hayyān, al-Imtā‘ wa-l-mu’ānasa, 3 tomes, édition Aḥmad Amīn et Aḥmad al-Zayn, 2e éd., Maṭba‘at lağnat al-ta’līf wa-l-tarğama wa-l-našr, Le Caire, 1953.
– Zağğāğī (al-) Abū l-Qāsim, Mağālis al-‘ulamā’, éd. ‘Abd al-Raḥmān Hārūn, Koweït, 1962.

Comité d’organisation :
• Bentaleb Farès, Université Rennes 2
• Gharrafi Miloud, Université Lyon 3
• Gouirgate Abdellatif, Université de Nantes
• Jegham Najeh, Université de Nantes
• Kenanah Faisal, Université de Caen
• Nissabouri Abdelfattah, Université Rennes 2

Types et formats de communications :
Chaque intervenant disposera de 25 à 30 minutes d’exposé oral. Les propositions de communication doivent être envoyées au plus tard le 25 octobre 2021.
Elles se présentent sous la forme d’un titre, d’un résumé (10 lignes) (PROVISOIRES) et d’une courte biographie. Merci d’indiquer également les coordonnées (statut, institutions de rattachement et courriel).

Modalités de soumission des propositions de communications :
• Adresse mail de contact : majlis_2022@outlook.fr
• 22 novembre 2021 : Réponse aux auteurs.
• 31 décembre 2021 : titre et résumé (10 lignes) définitifs.

Informations pratiques :
• Lieux et dates :
– JE/ 1 : Vendredi 25/02/2022 – Université de Caen
– JE / 2 : Vendredi 20/05/2022 – Université de Rennes 2